Ihsène TAIHI NASSIF
Après avoir relevé le défi du concours de PCEM1 en 2005/2006, j’ai eu l’immense privilège d’intégrer l’UFR d’Odontologie de Montrouge (ex-Université Paris Descartes) en 2006, un moment qui a marqué le début de mon voyage vers la profession de chirurgien-dentiste.
Cependant, ma soif insatiable de connaissances m’a rapidement conduit vers un autre horizon. Entre 2008 et 2010, je me suis plongée avec passion dans un master 1 en Santé, axé sur l’immunologie et l’infectiologie. Les cours m’ont littéralement envoûté, faisant naître en moi une irrésistible envie d’explorer le monde de la recherche.
Passionnée par la chirurgie orale, j’ai décidé de tracer ma voie vers l’excellence après mes stages cliniques d’externe à l’hôpital Charles Foix, sous la tutelle inspirante du Pr. Louis Maman et son équipe. Mon désir ardent d’approfondir mes compétences dans une approche centrée sur le patient m’a poussé à franchir une étape cruciale en fin de cinquième année en 2010 : le concours d’internat. Mes efforts ont porté leurs fruits, et j’ai été classée 19ème, me donnant ainsi la possibilité de continuer ma quête à Paris.
Mes années d’internat se sont révélées être une aventure mémorable, principalement à l’hôpital Albert Chenevier/Henri Mondor, où j’ai eu la chance de croiser la route du Pr. Bruno Gogly. Emportée par mon enthousiasme, je lui ai exprimé mon envie d’explorer plus les limites de la médecine et chirurgie orale à travers la recherche. C’est alors qu’il m’a proposé un projet captivant axé sur la régénération osseuse et les cellules souches orales.
J’ai saisi cette opportunité avec joie et j’ai décroché la précieuse bourse pour une année de recherche qui m’a offert la chance de m’épanouir davantage. Mon envol dans le monde de la recherche s’est concrétisé en intégrant un Master 2 passionnant au sein du laboratoire Physiopathologie Orale Moléculaire (POM) durant l’année universitaire 2012/2013, une expérience qui a renforcé ma détermination à vouloir comprendre les phénomènes de régénération osseuse. J’ai plongé tête la première dans l’étude des milieux sans sérum de veau fœtal de grade clinique, cherchant à soutenir la prolifération et la différenciation ostéoblastique des cellules souches gingivales.
Si entreprendre une thèse d’Université n’était pas ma première ambition, l’attrait pour l’enseignement et la volonté de parachever mon sujet de Master 2 m’ont progressivement convaincu. Le désir d’une carrière hospitalo-universitaire a germé en moi, encouragée par les rencontres enrichissantes au laboratoire POM dans l’équipe du Pr. Ariane Berdal et le soutien indéfectible des Professeurs Bruno Gogly et Louis Maman. C’est ainsi que j’ai choisi de m’engager dans une thèse d’Université, menée de 2014 à 2017 au sein de l’équipe de Pr. Bruno Gogly, épaulée par Pr. Benjamin Fournier.
À l’origine clinicienne et curieuse de tout ce qui entoure le diagnostic oral, je portais déjà un vif intérêt aux pathologies de la muqueuse buccale, notamment aux cancers de la muqueuse buccale. C’est pourquoi j’ai suivi de front les cours du DIU de pathologie de la muqueuse buccale à Sorbonne Université, parallèlement à mon Master 2 et à ma thèse, de 2012 à 2014. J’ai ensuite continué sur ma lancée en obtenant un DU de cancérologie buccale dans cette même université, en 2014/2015. Guidée par ma passion pour la chirurgie orale, j’ai également suivi un cursus DESCB (Diplôme des études supérieures en chirurgie buccale) de 2012 à 2016, tout en demandant ma qualification en chirurgie orale en 2018.
Au fil de ces années de formations cliniques enrichissantes et à travers les consultations auprès des patients, des questionnements ont émergé. Nous accueillions de nombreux patients présentant des pathologies inflammatoires chroniques, tels que les lichens plans, des maladies potentiellement malignes ou précancéreuses, dont l’étiologie restait souvent inconnue. Toutefois, ce sont les rencontres avec de jeunes patients, présentant des lésions cancéreuses de la langue, qui ont intensifié mes questionnements. Ces jeunes individus semblaient échapper aux facteurs de risque habituellement associés au cancer oral, tels que le tabac ou l’alcool. Je me suis alors convaincue qu’il devait exister d’autres causes, encore inexplorées, peut-être liées à l’environnement.
C’est au cours d’une discussion avec le Dr. Sylvie Babajko, chercheuse à l’INSERM au sein de notre laboratoire, que mes hypothèses ont trouvé écho.
Ma thèse a pris fin en 2017 et m’a permis de publier des articles et deux brevets internationaux, et j’exerçais déjà depuis un an en tant qu’assistante hospitalo-universitaire. C’est alors que j’ai pris la décision de franchir une nouvelle étape en m’engageant dans une carrière hospitalo-universitaire et en passant le concours de MCU-PH en chirurgie orale en 2019 pour m’investir pleinement dans ma passion de transmettre, exercer en milieu hospitalier pour suivre des patients à la recherche d’une approche centrée sur le patient que ce soit sur le plan médical ou chirurgical, et enfin pour assouvir ma volonté et ma curiosité de continuer la recherche médicale.
Le choix entre poursuivre la recherche sur la régénération osseuse ou explorer les pathologies de la muqueuse buccale a été un véritable dilemme. C’est à ce moment précis que Sylvie Babajko, qui m’accompagnait dans la préparation du concours MCU-PH, m’a proposée de plonger dans un nouveau projet qu’elle menait avec Pr. Geraldine Lescaille et Pr. Jean-Marc Ricort, PU à l’Université Paris Saclay et spécialiste des mécanismes physiopathologiques du cancer. Ce projet portait sur l’impact potentiel des perturbateurs endocriniens sur les cancers oraux. L’idée m’a instantanément inspiré suite aux questionnements cliniques que je me posais déjà. En 2020, j’ai soumis un projet à l’institut français de la recherche en odontologie (IFRO), et le financement obtenu m’a offert la chance de m’engager pleinement dans cette nouvelle aventure.
Depuis trois ans, nous travaillons ardemment sur ce sujet, explorant les lignées de cancer oral que nous avons minutieusement cartographiées en terme d’expression de récepteurs de perturbateurs endocriniens. Parallèlement, nous étudions les effets de ces perturbateurs sur la langue de souris exposées à de faibles doses en période prénatale et postnatale. Nos premiers résultats révèlent des modifications histologiques au niveau de la langue, évoquant des signes de modifications précancéreuses.
D’autres projets sont en gestation, notamment des collaborations avec des équipes ORL parisiennes et avec l’institut Gustave Roussy. Ensemble, nous aspirons à récupérer des échantillons de gencives, de muqueuse buccale et de prélèvements de cancers de la langue des patients, afin d’identifier la présence des récepteurs de perturbateurs endocriniens que nous étudions.
Notre équipe s’est enrichie au fil du temps, recrutant des scientifiques et des étudiants en Master 2 pour renforcer nos rangs. Notre but est de travailler sur des projets scientifiques d’envergure. Nous continuons inlassablement à solliciter des financements doctoraux pour nourrir notre quête de connaissance dans ce domaine passionnant.